Information ou désinformation ?

L'impact émotionnel d'une photographie est spectaculaire et mémorable, par la puissance de l’image, par ce qu'elle dégage. (Exemple : Le débarquement  en Normandie, 1944). Bien qu’un photographe ait pour mission de prendre des photos à but journalistique, il peut avoir des intentions plus subjectives et ses photos peuvent dépasser la dimension informative …

Cet effet insolite d’une photo de presse peut-il nous jouer des tours ? De quelle manière une photo influence-t-elle la lecture de l’actualité ? Peut-elle orienter une opinion ? Comment être témoin sans être au service de la propagande ? L’utilisation erronée de l’information n’offre-t-elle pas une vision truquée de la réalité ?

L’information (photographique ou pas) est un renseignement que l'on donne ou que l'on obtient sur quelqu'un ou quelque chose. La presse est évidemment le moyen d’information le plus utilisé. L’information à l’échelle de la presse est censée tenir au courant le public des évènements d’actualités, que ce soit par écrit ou en photo. Mais la confrontation texte/image peut modifier l’interprétation d’une information.

A contrario, la désinformation est une information mensongère, manipulée, éventuellement mise en scène. Elle peut soit persuader l'opinion publique, ou encore manipuler les figurants. Ses moyens de propagation dans la photographie de presse sont évidemment les médias ou les réseaux sociaux. L'impact de la désinformation est massif. La désinformation, bien qu'elle puisse être utilisée dans un but bénéfique, est souvent employée pour nuire une pensée, une opinion, ou pouvant chercher à démoraliser le lecteur.

Les moyens d’influencer le spectateur ont beaucoup évolué pendant l’ère numérique. Ils sont désormais accessibles au plus grand nombre et semblent se généraliser. Les médias participent à la propagation de l’information comme de la désinformation.

LA PROPAGANDE

La Propagande est une action exercée sur l'opinion publique par des vecteurs de propagation (médias, réseaux sociaux, publicité, affiches...) dans le but de faire accepter des idées, des valeurs. 

Exemple : Les photoreportages du magazine Life soutenaient l’idéologie du capitalisme américain et de la consommation (ils définissaient le bonheur comme la liberté d'acheter des biens de matériels). Leur vision était anti-communiste et idéalisait l’idéologie américaine. Ils ne s’occupaient pas seulement d'informer le lecteur, mais développaient une vision idéologique bien aiguillée (ils banalisaient et répandaient l’américanisme)

 La propagande peut se faire après une photo. Une fois la photo prise, la façon dont elle sera prise et traitée peut faire entièrement changer le message de l'information. On rentre donc dans le domaine de la désinformation.

Exemple :

Au sein de son régime totalitaire, Hitler a développé avec l'aide de Goebbels un système propagandiste engagé,       principalement  avec des organisations de photographie qui constituaient des moyens de communications de masse cherchant à glorifier le Führer et à diffuser un engouement du peuple et des jeunesses hitlériennes. L'impact était important car dans les années 20 le photojournalisme commençait à se développer et la présence de l'image dans les journaux se multipliait.

LA MISE EN SCENE D'UNE INFORMATION FALSIFIEE

C'est dans les années 60 que la mise en scène photographique s'est démocratisée, influencée entre autres par le théâtre ou le cinéma. Ce type de photographie a pour but de raconter une histoire par le biais d'une mise en scène aiguillée et d'une composition prédéfini. La mise en scène d'une photographie consiste à la construire, à préparer une image contrairement à une information qui serait capturée sur le vif. Ces "tableaux" photographiques dégagent une information mensongère ou falsifiée. Les photos d'Eugène Appert, photographe français, en sont de bons exemples :

Le Massacre des dominicains d’Arcueil, 1872                  L'exécution des otages dans la prison de Roquette, 1871

La photo de gauche est mise en scène, les personnages ont une posture ridicule et la composition ressemble à une scène de théâtre poussée. Sur celle de droite, On y voit 6 hommes à l'arrière-plan, s'apprêtant à se faire fusiller par des soldats qui tiennent une posture droite, uniforme et rectiligne. Le phographe voulait fournir des images d'un évènement au gouvernement de Thiers alors qu'aucun cliché n'avait été pris à ce moment-là. Les photomontages d'Eugène Appert voulait compatir au châtiment des fusillés en dénonçant l'indifférence autoritaire des soldats face à la mort des futurs fusillés. La manipulation des images étant habituel à l’époque, il faut avoir l’œil critique lors de l’exploitation de celles-ci et ne pas s’étonner d’avoir affaire à un cliché falsifié. 

De nos jours, il est moins courant de se retrouver face à un cliché falsifié, mais récemment, le prix WORLD PRESS remporté par le Giovanni Troilo lui a été retiré car ses clichés de son reportage sur les "Problématiques contemporaines" étaient mis en scène. Voici une de ses photographies  :  

Sur ce cliché, on y voit 9 personnages, plus ou moins cachés, dont 5 femmes nues et un homme nu. La scène est choquante, provocante. L’attitude des hommes attablés semble naturelle. La visée de la mise en scène est à la limite du voyeurisme. La photo, devait être prise, selon le titre de la série, à Charleroi. Elle a en fait été capturée à Molenbeek (commune de Bruxelles). L’information falsifiée du lieu de prise de vue est une des causes de remise en question du décernement du prix.

Comme l’affirme le maire de Charleroi (Paul Magnette), « cacher certaines perspectives avec de l’information non vérifiée et déformée, de tordre la réalité en faisant de la mise en scène, c’est tout sauf du photojournalisme. » En effet le photographe a eu recours à la mise en scène pour faire passer ses clichés pour un reportage journalistique, le prix lui a donc été retiré car il ne répondait pas aux normes d’un véritable photojournalisme. Il enfreint les règles du concours.

LE RÔLE DES MEDIAS DANS LA DESINFORMATION

Les médias ont un rôle important dans le traitement de l’information photographique. Ils choisissent de publier ou non une photo selon le message qu’ils veulent transmettre aux lecteurs. On pourrait penser qu’une photographie journalistique qu’on voit dans un journal ou sur un site est la retranscription de la scène, de l’évènement, mais l’image médiatique demeure une réduction de la réalité. Elle provient d’un choix iconographique bien sélectionné La manière dont sont faits ses choix provient des valeurs, des symboles, de l’interprétation émis par les médias. Ils ne sont donc pas sans intention, sans convention. Il y a une contradiction entre la photographie informative et la modification qu’exercent les médias sur celles-ci. La photographie informative, censée fournir des clichés qui respectent la réalité, est quelque fois manipulée par les médias qui sont présumés transmettre une information au public sans la détourner.

• La modification de la légende

Ceux-ci peuvent manipuler la visée informative de l’image par une simple modification de légendes. Le message journalistique original est alors falsifié par les médias. Exemple :  

                                           ?                                        ?       ?      

 Un islamiste cherche à calmer la foule (AFP)                          VS                          ^{Un religieux chauffe les esprits de croyants                                                                                                                                            outrés dans la capitale libanaise                                                                                                                                (magazine allemand « Stern »)}

Notre exemple :      

     Le moral d'Antoine Mansier est au plus bas                                  Antoine Mansier réflechit sur son devoir de SES

• Le recadrage

Le choix du cadrage joue également dans la modification du message d’une photo. En effet, garder uniquement un « morceau » d’une photo par simple recadrage et ne pas afficher sa vue d’ensemble peut masquer la véritable information de la scène. Ce type de retouche a pu être utilisé en tant que propagande, comme l’a fait l’Etat soviétique dans les années 40 : 

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L’image recadrée montre l’ancien pape Benoit XVI faire un salut nazi. A droite, la véritable image est affichée. Cette propagande a servi de diaboliser Benoit XVI.

→ Toutes les méthodes de la désinformation ont donc un grand impact dans le monde du photojournalisme, et de la photographie plus généralement. Elles peuvent alors modifier la lecture d'une information et orienter une opinion. Une mauvaise utilisation de l'information offre alors une version falsifiée, truquée, modifiée de la réalité. Certains lecteurs influants peuvent être la cible de la désinformation. Il faut toujours porter un regard méfiant, critique et essayer de vérifier les sources de la photos, sa nature pour ne pas tomber dans le piège du système de désinformation.